Joseph Burr Tyrrell (1858- 1957) est aussi un géologue bien connu qui a oeuvré à la Commission géologique, notamment pour l'exploration de vastes secteurs à l'ouest de la baie d'Hudson. Comme Logan*, une montagne dans les Rocheuses porte son nom., sans oublier le très célèbre Royal Tyrrell Museum situé à Drumheller en Alberta.
Le site du monument se situe juste en bordure du jardin alpin, lequel est bordé par un sentier mal identifié sur les guides du Jardin botanique. C'est un sentier très intéressant pourtant, car il sert à mettre en valeur 93 blocs de roches et de minerais:
Le sentier date apparemment de quelques décennies, car nous avons remarqué une détérioration avancée des bordures en bois sur lesquelles sont apposées les étiquettes de métal qui identifient les blocs rocheux. Il manque plusieurs de ces identifications:
J'ai contacté le Jardin botanique pour leur demander des précisions sur l'origine de ce petit "jardin géologique" qui ne semble pas répertorié dans leurs publications. Ce que les archives du jardin contiennent (ci-contre) est sommaire, mais éclairant quant à l'origine des pierres: c'est le pavillon du Canada à l'Expo 67. Par contre, il n'y a aucune mention du monument qui porte les sept signatures. Un poids de 10 tonnes est mentionné et il ne peut s'appliquer qu'à une seule pierre: celle qui forme le socle du monument en forme de théodolite. Cet item proviendrait donc aussi du site de l'Expo 67.
Avec ces informations, ma soeur Monique a retrouvé deux documents datant de 1967 qui montrent le monument et la collection de pierres. On voit qu'il y avait sur le monument deux éléments aujourd'hui absents: la plaque de bronze, ainsi qu'un marteau de prospecteur en bronze également:
À l'Expo, il y avait en plus une magnifique carte du Canada illustrant les diverses régions géologiques par des blocs de pierres de différentes tailles et couleurs: ONF Pavillon du Canada (à la minute 5:24). Cette carte semble bien avoir été détruite lors de la démolition du pavillon du Canada en 1972. Voilà donc élucidées l'origine et la nature du petit jardin géologique qui existe près du jardin alpin. L'emplacement choisi en 1973 est tout à fait logique, car l'étroite relation entre les minéraux et les plantes, entre la géologie et la botanique, est déjà implicitement illustrée dans le jardin alpin; là les plantes s'enracinent directement dans le milieu minéral et rocheux. Il est heureux que le Jardin botanique ait hérité et préservé cette intéressante collection et l'ait installée au jardin alpin.
Il reste un élément qui par contre semble avoir été laissé pour compte: le monument, lequel est en partie vandalisé. Il mériterait d'être restauré et un peu mieux mis en valeur. L'arbre qui l'a maintenant entièrement recouvert par ses branches, devait être beaucoup plus petit en 1973.
Cette pierre qui doit peser un peu plus de 10 tonnes, pourrait être déplacée si le Jardin botanique préfère laisser l'arbre en place. En déplaçant le monument d'une dizaine de mètres seulement, il aurait un bel emplacement à l'entrée du sentier des pierres et des minerais. La plaque disparue et le marteau pourraient être remplacés.
Ceux qui ont créé ce monument sont aujourd'hui disparus. J'ai fait appel à des collègues à la Commission géologique pour m'aider à identifier les cinq autres noms qui sont sur le bloc sous forme de signatures. Ils ont identifié trois autres noms:
- A.P. Low - Albert Low 1861–1942. Il a fait une expédition qui dura deux ans (incluant deux hivers) depuis le Lac St-Jean, lac Mistassini, jusqu’à Kujuak. Il a découvert le fer du Labrador. Il explora la rivière Churchill, et revint par la rivière Romaine.
- George Dawson, a participé au premier relevé pour établir la frontière entre le Canada et les États-Unis au 49ème parallèle. Il a exploré la Colombie-Britanique jusqu’au Yukon et le Klondike. Dawson City fut nommé en son honneur.
- G.S. Hume qui fut Directeur de la Commission géologique de 1947 à 1950 et cartographe dans les Foothills des Rocheuses. Il y a découvert des lits de charbon.
En même temps que ces trois nouveaux noms identifiés par mes collègues, j'ai moi-même déterminé que l'imposante signature ci-dessous appartenait à Mgr JCK Laflamme:
Joseph Clovis Kemner Laflamme (1849-1910) fut un précurseur dans l'enseignement des sciences. Plusieurs réformes qu'il a proposées et qu'il a lui-même appliquées ne seront en fait intégrées au Québec que deux générations plus tard, après 1920. Beaucoup moins connu que Marie-Victorin, il en est cependant le précurseur. JCK Laflamme était à la fois naturaliste, minéralogiste, et géologue. C'est à titre de géologue qu'il a participé à des congrès géologiques internationaux (Washington en 1891 et St-Petersbourg en 1897). Il est de façon indéniable le
premier géologue francophone du Canada.
La septième et dernière signature à identifier est la plus abimée, car seule les deux premières lettres du nom sont encore en place. Les petits trous et la partie gravée (photo ci-dessous) donnent quelques indices.
Cette énigme a aussi été résolue par ma soeur Monique; elle m'a proposé le nom d'un prospecteur qui a découvert les premiers gisements d'uranium et de radium au Canada:
Gilbert A. LaBine. Ce prospecteur autodidacte a été honoré du titre de
"Monsieur Uranium" et a il reçu plusieurs nominations honorifiques après la guerre.
Le Jardin Botanique honore déjà des grands noms dans les sciences naturelles par les deux médaillons sur la façade de son édifice principal: Carl Von
Linné et Gregor
Mendel (ci-dessous):
Je suis très heureux d'apprendre à ceux qui ne le sauraient pas déjà, que le Jardin botanique honore aussi très (trop?) discrètement, cachés sous un arbre du jardin alpin, d'autres grands noms de scientifiques: J.C.K. Laflamme, W.E. Logan, pour n'en nommer parmi les sept inscrits sur le monument que deux qui ont contribué à la science au Québec de façon significative. Ces hommes ont tous été des pionniers à l'époque où les études en sciences naturelles comportaient une pluridisciplinarité obligée: la géologie se faisait en inventoriant aussi la flore, la faune et la géographie, tout cela dans des vastes territoires largement inexplorés.
Et au fait qu'en est-il de la borne géodésique BM 67-L-001 incrustée dans le roc du monument ? C'est un vrai repère qui figure toujours dans
l'inventaire des points géodésiques du Canada.
Évidemment il arrive assez rarement que ces bornes incrustées dans la roche se retrouvent à 6620 mètres de leur position officielle, mais c'est bien ce qui est arrivé dans le cas du BM#67L001.
Avis donc aux arpenteurs :
- ne vous fiez pas à ce repère !
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Position du monument sur le site d'Expo 67, en bordure d'un canal maintenant remblayé. |